jeudi 2 septembre 2010

Les animaux sauvages devraient avoir peur de nous

La dernière fois : Par les airs, Bonnita Troccoli & Gwyenth Bison sont arrivés à San Diego, ont rebondi sur un body-board-panthère, ont traversé Los Angeles à la vitesse de la lumière et ont fini par atterrir dans un Motel 6. Nous les retrouvons — roulants — au moment où ils s'apprêtent à déjeuner d'un hamburger.

# 5 juillet

Après avoir traverser un tunnel :


, on s'est dit : " C'est des gros mythos Alertes à Malibu, vraiment, la Californie, c'est tout gris " :

[ on appelle ça June Gloom et apparemment c'est normal en Juillet ]

et on a fait une pause. La caféteria-guinguette du camping de Faria produit de très bon hamburger mais Bonnita Troccoli n'a pris qu'un café et une frite tandis que je commandais un cheese.

Dans notre dos, Stewart arrivait avec Matilda et Jasmine. Plus tard, Bonnita Troccoli m'a dit qu'elle avait tout de suite parlé à Stew parce qu'elle avait peur que le rangers grassouillet— qui rôde autour de la table de pic nic en distribuant des magasines surf à qui veut bien les prendre ( je ne sais pas pourquoi il fait ça )— ne cherche à virer Stew du camping à cause de son allure déstructurée ( au fil des ans — et après de nombreuses expériences malheureuses avec videurs de boites de nuit, garçon de café, flics, contrôleurs du métro — Bonnita Troccoli a appris à anticiper l'embrouille de rue proche-lynchage; elle s'est donc mise à discuter avec Stew pour s'éviter une crise de nerfs ( elle dit : je ne supporte pas l'injustice)).

Stew lui a appris qu'il était en train de traversé l'Amérique à pieds et j'ai rejoint leur conversation. Il disait des choses comme : " saviez-vous que les indiens n'ont pas de mots pour menteur ? " et nous , non, on ne le savait pas, alors on a continué à écouter son histoire en buvant un café autour de la table de pic nic.

L'Histoire de Stewart, l'Homme qui traversait l'Amérique à Pieds

Il est parti de chez lui parce qu'il avait perdu foi dans l'être humain ( all i saw was greed ) ; il doit téléphoner toute les semaines à son frère pour lui dire que tout va bien ; il a vu 300 personnes être brûlées vives au Vietnam ; il a perdu toute ses dents dans le golf du Tonkin parce qu'il essayait d'expulser hors d'un avion la bande d'alimentation de la mitrailleuse dudit avion afin que l'avion en question ne fasse pas exploser le porte-avions ainsi que tout les autres avions du porte-avion sur lequel lui et ses camarades se trouvaient — mais la bande d'alimentation ( c'est ça ( chaque balle = 2 grenades) :


) lui a frappé le visage en lui brisant toute les dents ; il a tout vendu ( ou donné) avant de partir, même ses livres et ses outils ( i'm an handyman ) ; il adore le Fitzcaraldo de Herzog ; son chien Jasmine ( Jaz) est un dalmatien née noire et sans tâche blanche, elle aurait dû être tuée par ses éleveurs qui ne veulent pas que ce genre d'anomalie se reproduise, que ses gênes se répandent ( je lui dit : this is weird et il réponds : this is sick) ; en l'adoptant, il a sauvé Jasmine de la mort ; après le Vietnam, il a été alcoolique pendant cinq ans mais il a arrêté, seul (i'm a loner), puis il est devenu professeur de saut en parachute (i'm not afraid of heights, i'm afraid of the ground) ; il a chassé des daims et des canards en ULM ( il volait à 50 centimètres du sol) ; de sa traversé de l'Amérique, il dit : " You can flush Arizona " ( vous pouvez balancer l'Arizona aux chiottes); il est sur la route depuis deux ans environ ; il a passé 6 mois à Malibu ; il s'est fait payer une bière par Mick Jagger à Majorque, il a joué au billard avec Alica Cooper à Hambourg, il a rencontré Pierce Brosnan à Malibu, ainsi que le batteur des Doors, Nick Nolte et Matthew McConaughey, et quand Martin Sheen lui a donné 20 $, il a accepté pour ne pas le vexer ; il ne peut pas écouter Ring of fire de Johnny Cash ( il a détruit un bar entier avec son unité en Corée à cause de cette chanson) ; il n'écrit pas de journal parce qu'il s'est aperçu qu'il y écrivait des choses négatives ; c'est un croyant, mais il ne croit pas à l'organised religion ; il vient de Virginie, à l'autre bout du pays ; il a 63 ans.

Après le café, on a dit : " ta route c'est notre route, si tu veux on t'emmène vers le Nord " et Jasmine, Matilda et Stewart sont partis avec nous. On a tracé vers le camping de Carpenteria, une ville dont le nom mélange charpente et cafétéria. Stewart à tout de suite payé les trente dollars du camping et on a commencé le montage de nos tentes respectives :


on a sorti Matilda de la voiture ( Ladies & Gentleman, let me introduce you to M.A.T.I.L.D.A :


tatouée d'amour du nom de son maître :


). Stew a recousu mon sac cassé avec du fil dentaire ( harder than you think) :



et Bonnita et moi-même avons été faire un jogging sur la plage. En revenant, on s'est fait des pâtes à la sauce tomate, et on a continué à discuter jusqu'à ce que le soleil se couche. J'ai pris un avion en photo :



et on était content.

# 6 juillet

En me réveillant, j'étais comme redescendu des belles histoires ( pour moi, le matin est un moment réaliste). Il y avait, par exemple, l'histoire du poney. Juste avant de commencer son périple, Stewart a acheté un poney sur internet en pensant que c'était un cheval. Après s'être aperçu de l'arnaque, il l'a vendu pour un penny à un enfant méritant croisé sur la route ( l'enfant s'occupait de ses petits frères).

En m'extirpant de la tente, je me disait : ouais-mais-bon : c'est-quoi-ces-conneries-violette & mauves ? et, sous la table de pic nic, j'ai vu un très gros mulot sortir sa tête d'un trou ( les mulots californiens sont hors de toute proportion imaginable).

Il pleuvait.

On a commencé à plier nos affaires et comme on n'allait pas dire à Stew : " bon, mec, toi, on te laisse sous la pluie comme une merde avec tes histoires à la con — nous on se barre au soleil" alors, sans même en discuter, on a commencé à charger Matilda & Jasmine dans la voiture. Plus tard, Bonnita m'a dit qu'elle avait pensé : " ce clébart-qui-fout-de-la-boue-partout " ou quelque chose comme ça. On a pris la route, un peu déprimé, sous la pluie, engoncé dans une voiture bien trop petite pour transporter : un duvet rouge / une glacière turquoise / deux draps double vieux saumon / une couette marron / un guide Let's go toute l'Amérique / un guide du routard spécial parcs nationaux de l'ouest américain / 23 paires de chaussettes / huit caleçon et dix petites culottes / un maillots de bain couvert de planches de surf vertes fluo / neuf chemises de cow-boy / deux jeans / trois boîtes de beans ( deux bush's best original ( notre recette de famille secrète (sic)) et une de chez Ralph) / une serviette de bain turquoise / cinq tupperware / une serviette de bain multicolore / un bodyboard avec une panthère dessiné dessus / une boîte de biscuits Grahams goût miel / deux bouteilles de G2( orange et fruit punch) / six tournevis Stanley / une tente Escort / deux oreillers / une boîte de petits pois Chicaros / une boîte de champignons / une boîte de tomates dans du jus de tomates / une boîte de El Pato ( sauce tomate avec du jalapegno) / deux paquets de spaghetti Barilla / une boîte de Ralph's sweat peas and carrot / trois boites de thon / un paquet de riz / du sel / du poivre / cinq soupe Maruchan ( soupe de nouilles au goût poulet crémeux ) / Deux rouleaux de Sopalin / un paquet de café gourmet colombien suprême / une paire de Van's en suède noir / une paire de chaussure à talon / une paires de chaussures de randonnée / une paire d'imitation de Converse / 29 Cdr / une boite d'upsa / un spray anti-moustique / une boite de maïs / 30 tortillas / deux oranges / deux bananes / trois tomates / un concombre / un melon / deux patates / cinq bières Stella Artois / une bouteille de cognac / une carte d'Arizona / une carte de l'ouest américain / une carte de San Diego / une étude d'ethnographie cognitive / une fleur en plastique / un pull militaire fabriqué au Canada / un ensemble de bain violet + Jasmine & Stewart & Matilda-la-structure-en-ferraille.

Arrivé à Santa Barbara :



on a été acheté de l'essence et des cigarettes. Il pleuvait toujours et j'ai vu que Stewart, au moment où il montrait sa carte d'identité pour acheter ses Camels, j'ai aperçu que Stewart avait une carte d'identité Californienne, pas du tout une carte de Virginie, son soi-disant point de départ.

Ça m'a foutu un coup.

Je me suis dit : " bon, ok, c'est pas nouveau, les croyants sont les meilleurs menteurs " et j'ai commencé à gamberger. D'accord, le type est sûrement mythomane — this is fucking America— mais je ne vais pas me mettre à essayer de vérifier son histoire. Aucun intérêt. Une chose est sûre : le type est gentil. Son histoire de grande traversée, là, c'est comme sa carte de visite, son introduction, son meilleur profil. Qu'est-ce que tu veux que je te dise, Gwyneth ?— je me suis dit — le type est peut-être à deux doigts de devenir vraiment clochard ( borderline), le type à peut-être tout perdu dans la crise des subprimes ou je sais pas quoi ; mais le type essaye de se maintenir et son histoire, c'est peut-être tout ce qu'il a ; en plus il raconte bien et il paye sa part de clopes et de camping.

Je suis remonté dans la voiture et j'ai décidé de me contre-foutre de la Vérité. De toute façon, le saviez-vous : les indiens n'ont pas de mot pour menteur.

Engoncé dans la voiture, sous la pluie, on s'est dit, bon, nous : ON VEUT DU SOLEIL et on a tracé dans les terres en fuyant la bruine et le juin glauque de juillet. Derrière les montagnes, here come the sun , little darling, c'est le pays des chênes par milliers ( dans le coin, une ville s'appelle Thousand Oaks) :


On s'est mis C.C.R (prononcer : si si âre) a fond la caisse dans l'auto-radio de la caisse :




Stewart & Jasmine étaient aussi heureux que nous :


On séchait par le soleil et par le vent, en regardant défiler les vaches :


Et les méga-troncs d'arbres :


Stewart a dit être sourd des sons aigus et nous a appris que Los Angeles était la mère des rages routières ( road rage) :


, on s'est arrêté pour demander notre chemin à un type qui nous a parlé d'un parc de séquoias géant, et on a fini par s'installer dans un camping autour du lac de Santa Margarita où Bonnita Troccoli a vu un aigle ( en Californie, tous les animaux de Walt Disney sont potentiellement visibles) :


pendant une promenade solitaire :


( Photo B.T)

Pendant ce temps-là, j'ai discuté de Dieu — Son existence, pourquoi croire ?, comment suivre Son chemin — avec Stewart :


J'ai photographié le chêne sous lequel nous allions dormir :


Le fire pit, le truc-à-feu, que l'on retrouve dans tout les camping américains :


La glace en train de fondre dans la gamelle souple de Jasmine :



et la vie de Stewart, c'est-à-dire :
(cliquer sur les images pour les agrandir)

Stewart et les mitrailleuses jaunes :


Le porte-avion sur lequel il perdu toute ses dents :


Son parachute :


Son autre parachute :


Un article de presse qui rend compte de ses exploits pendant la guerre du Vietnam :



Une composition pour Jasmine :


Encore un parachute :


Toute l'histoire des dents perdues reconnue officiellement par l'Armée Américaine ( qui, aujourd'hui, ne lui donne pas un centime) :


et sa philosophie :



Je lui ai fait part de mon admiration pour son minimalisme biographique et l'économie de moyen utilisé pour fabriquer ce petit musée personnel ; toutes les preuves d'une vie dans un zip lock :


Ensuite, on a été faire des courses au General Store ( qui n'est ni le store, ni le volet-roulant du Général, mais bien un magasin généraliste) :


et, en rentrant, Stewart et moi, avons scellé notre amitié naissantes en une photo-souvenir :


À la fin de la journée, on a vu une biche, et dans la nuit, un couple de putois s'est approché de notre feu comme si c'était normal — les animaux sauvages devraient avoir peur de nous, c'est la base même de leur sauvagerie ; on a donc remis les putois à leur place sauvage en leur jetant des cailloux et en crachant comme des chats.

La prochaine fois : La fin de quelque chose.

5 commentaires:

  1. un homme qui aime Fitzcarraldo ne peut foncièrement pas être mauvais.
    j'attend la suite plein de questionnement sur Matilda.
    décidemment c'est le pied de te lire
    rémi

    RépondreSupprimer
  2. j'ai lu ton premier article et lirai les autres. Ca me rappelle des sacrés bon souvenirs de road trip.
    Au fait, c'est top les séquoias géants mais les consignes préventives dans les campings de ce parc national concernant les ours sont flippantes.
    Marie G

    RépondreSupprimer
  3. Terrible ce blog! Un homme moustachu avec tant d'humour, qui eut cru ça possible?!
    Ben, j'ai hâte de lire la suite...
    Ciao.
    Karine.

    RépondreSupprimer
  4. toujours plein d humour et de poesie deleuze disait bien que l on ecrit(on cré) a la place des betes et meme pour elles.a plus tintin
    cyprien c

    RépondreSupprimer
  5. Not playing Solitaire on your mobile? Download It Now (Built for iOS and Android)

    RépondreSupprimer