mardi 26 octobre 2010

Les interrupteurs amoureux

La dernière fois : Gwyneth Bison& Bonnita Troccoli sont arrivés à Salinas alors qu'ils fuyaient les campings et leurs tiques. Ils se rendent à un concert de rock n' roll dans une pizzéria au 5XX main street.

En montant dans la voiture — et même si Bonnita avait mis sa plus belle robe — j'étais morose. Salinas semble être un endroit idéal pour déprimer. Il n'y a franchement pas grand-chose là-dedans, on dirait. Un bled de culs-terreux, de dos-mouillés, de paysans vieux et fripés comme dans ce genre de photo :

, comme à l'époque de Steinbeck ( il y a un musée Steinbeck à Salinas). Le genre d'endroit où je pourrais lire et relire le même livre pendant deux mois jusqu'à devenir agressif à la simple idée de parler, un endroit à dormir toute la journée, un endroit à bredouiller en achetant des clopes, un endroit à se branler et à se rebranler et à se branler encore en rêvant d'une jeune fille croisé dans la rue, un endroit à ne rencontrer que des clochards.

La rue principale de Salinas était positivement immense et quasiment entièrement neuve ( moins de 30 ans). On s'est garé dans une rue adjacente déserte et tout aussi positivement immense. Puis on est rentré dans une pizzéria toute à fait banale, neuve de la même manière qu'un Mac Donalds peut être éternellement neuf. Lorsque j'ai vu une note scotchée sur la vitre du buffet de la pizzéria qui disait : Handicaped, Ask for Help, je me suis dit, très sérieusement, les Etats-Unis sont vraiment bien plus avancés que nous dans les équipements pour handicapés, voire même dans la conscience qu'il existe des gens handicapés et qu'ils ont peut-être besoin d'aide pour se servir à un buffet, et je me suis dit, en souvenir des équipements de la piscine du camping de Santa Margarita, ils ont la place des pentes ( les pentes pour faire glisser les fauteuils roulants) et j'ai regardé autour de moi et dans la pizzéria régnait comme une ambiance de cantine scolaire.plateau en plastique rouge.maison de retraite et s'il n'y avait pas eu quelques ducktails :
assises à une table, jamais de la vie ni Bonnita ni moi n'aurions cru qu'un concert psycho-rockab'-hillbilly s'apprêtait à barder ici.

Au comptoir, on a cru avoir séduit le serveur avec notre accent français qui pourrait presque passer pour mexicain. J'ai commandé une Hawaïenne et Bonnita Troccoli a pris une Rodéo. Sur les cinq écrans plasma de la salle, cinq programmes différents de sports ou de météo. Au plafond, des néons. Au sol, du carrelage (beige). Posés sur le sol, des meubles neufs Hôtel Ibisoïde. Autour de nous, un vieux couple ( blanc) dont la dame est élégante et apprêtée, et quelques américains (blancs) avec casquettes et vêtements de sport. Pendant qu'on dévore nos pizzas, commencent à s'installer d'énormes baffles noires et tout l'attirail habituel des trouvères électrifiés. Un Mexicain à la peau très foncée, aux cheveux très gominés, aux rouflaquettes très longues, au sourire charmant et à l'air vraiment gentil semble être le manager-soundman-roadie de toute cette affaire mais je n'en suis pas sûr, parce que pas mal de gens filent un coup de main, portent guitares, pieds de micros, câbles et fly-caisses noires montées sur roulettes. Au fur et à mesure, arrivent quelques jeans à l'ourlet impeccable, quelque chemises à carreaux, et plusieurs tatouages plus ou moins complexes et colorés. On dirait que tout le monde se connaît et personne ne fait attention à nous. Quelqu'un a un bandana rouge plié dans la poche arrière de son jean brut-brut. Une femme a des talons hauts, des bas résilles, un tailleur noir, les seins en parapet alpin, une rose dans les cheveux, une vilaine peau et un air mauvais de vieille pute. Puis le vieux couple dont la dame est élégante et apprêtée s'en va avec un sourire " amusez-vous-bien-les-enfants " et la lumière s'éteint et la météo et le sport sont remplacés par une vidéo qui nous raconte l'histoire de So-Cal , une entreprise apparemment pionnière dans les voitures hot-rod, les buggies, les dragsters, bref, les monstres mécaniques, et la musique commence :

Autour de nous, tout devient vraiment genre Burlesque-Fonzie-Skate ou Aztèque-Hillbilly-Surf. Un adolescent, bonnet en laine noire très épaisse sur la tête, a un tee-shirt avec cette photo imprimée :

et son pote porte une casquette de baseball d'une façon tout a fait inédite et indescriptible. Tous les deux ont un visage de statue Toltèque posée sur de petites jambes moulées dans un jean black-black serré aux chevilles. Aux pieds, des vans couvertes de petits carreaux noir et blanc ou des vans noires, toutes simples et élimées. Je me dis que chicks, c'est une abréviation pour chickens, et trois poulettes parfaitement rondes, rangées par ordre de grandeur, gloussantes, pois blancs sur robe noires, rouge à lèvres Vlad Tepes, décolletés titanesques et roses rouges dans les cheveux charbon, s'adossent au buffet en masquant la note pour les handicapés. Quelques personnes se mettent à danser comme dans un bal des années 30 :

sur une chanson qui mélange Banda et Rockn'Roll ( très réussi ce mélange, difficile à décrire mais très réussi, ( très joyeux)). La musique est forte, évidemment, et une famille planque ses deux nourrissons en se mettant un peu à l'écart de la scène où une contrebasse, une batterie et une guitare s'excitent tranquillement. Puis je sors fumer une clope sur le parking ( immense) derrière la pizzéria. Je croise un groupe de poulettes qui cliquettent vers le concert, les descendantes de ce genre de meufs :

. Je regarde les voitures ( trois) qui sont dans ce genre-là :

et je vois un sticker : " Mexabilly " collé sur le pare-brise de l'une d'entre elles et je me dis eurêka ! Puis je rentre et je dis à Bonnita, ouais, j'ai compris, ce truc de johnny cash + mexicos : c'est du mexabilly, et elle me dit ah! et puis elle me dit vas-y-viens-on-danse et je dis ouais-chai-pas. C'est vrai que ce serait vraiment con de ne pas danser là-dedans. Alors, on finit par aller sur la piste de danse. Mais je n'arrive pas choper le rythme et c'est là que je m'aperçois que Bonnita peut danser sur n'importe quoi, qu'elle chope le truc tout de suite ( Bonnita a fait de la danse pendant des années) alors que moi, il me faut tout un protocole mental pour réussir à sortir quelques choses-en-rythme de mon corps ( choses qui seront toujours des idiosyncrasies bizarres et que je ne peux me permettre d'afficher n'importe où, n'importe comment, avec n'importe qui, parce que j'ai toujours peur d'avoir l'air d'un genre d'épiléptique fantasque et que, quand même, autour de nous, plein de mecs ont des tatouages dans le cou ( d'autant plus que Bonnita est vraiment bonne ( oui, parfois on a envie de manger son compagnon, c'est normal, on a envie de le manger et ce n'est vraiment pas très grave ( parfois on a envie de manger son compagnon comme si c'était, disons, un fruit))) dans sa belle robe noire et que j'ai dans la tête d'archaïques structures sociales où un mec qui danse mal et/ou bizarrement se fait généralement subtiliser sa meuf, surtout dans un bal populaire). Bref, à ce moment-là, je ne suis vraiment pas le Prince Charmant et Bonnita me dit : mais t'es pas du tout dans le rythme et je me dis merde, c'est vrai, alors on arrête de danser, je me sens un peu écroulé à l'intérieur, et on se rassoit. On boit des bières et les gens dansent entre les tables et sur le carrelage et j'offre un t-shirt Rock'n'roll Mama à Bonnita qui l'a bien mérité ( les Gamblers Mark se baladent avec un genre de grande caisse noire remplie de CD et de tee-shirts qui doit mettre du beurre dans leurs épinards) et le concert s'achève et je me sens moins morose, mais quand même, finalement, je suis toujours morose en me couchant.

Le lendemain, le 9 juillet 2010, après un burrito hors de toute proportion humaine pris dans ce mexo-dinner :
on a décidé de rester une après-midi de plus à Salinas parce qu'il devait y avoir un défilé pour la fête des 100 ans du rodéo à Salinas :

Le matin, j'ai fait la lessive avec des paysans et des familles de paysans et des enfants de paysans, tous ou presque mexicains. J'ai plié nos habits à côté d'un type qui pliait ses habits, et, en voyant l'application qu'il mettait à plier ses habits, je me suis mis à faire très attention à la façon de plier nos habits, alors que d'habitude, je m'en fous un peu, de bien plier mes habits. Mais, à ce moment-là, plier ses habits en faisant attention à bien plier ses habits m'est apparu comme quelque choses de très noble, alors j'ai fait comme le type à côté de moi. Pendant ce temps-là, Bonnita était partie faire je-ne-sais-plus-quoi ( téléphoner à sa sœur ? ( je me souviens juste qu'elle est revenue ( on devait se retrouver au lavomatic) en me disant : oh lalala ! je me suis paumée en cherchant le lavomatic et j'ai atterri dans une zone complétement terrifiante, une rue entière remplie de clochards)).

Après la lessive, on a flâné en attendant le défilé et on a vu trois grands chapeaux jaunes :


et visité une boutique d'antiquités américaines :


qui considère certaine bouteille de Ketchup comme antique :

. Dans la rue, des gens réservaient leurs places pour le défilé en posant leurs sièges aux endroits clef :

quelque voitures passaient, genre c'est jour de fête : je sors la bagnole :



partout planait l'ombre du cow-boy inconnu :


il y avait des drapeaux américains :

et, alors que l'on commençait à s'approcher de la fête, certains travaillaient dur pour vendre quelques saloperies :

d'autres s'installaient carrément par terre pour nous montrer leurs ongles :


d'autres marchaient tels je-ne-sais-quel fantôme mauve :

d'autres portaient chapeaux à plumes :

d'autres se battaient en duel :

et d'autres encore s'occupaient de faire consciencieusement voler Spider-Man :

. Après deux heures d'attente , une tête de vache s'est pointée :


et une miss-je-ne-sais-quoi a salué la foule :


et c'était le défilé des enfants, avec mini-char :


et stetson-chorégraphie :


voire mini-stetson.mini-miss.chorégraphie :


et un mec bizarre qui vends des choses bizarres :


. À un moment, un mini-motard est passé :


suivi d'un mini-quatre-quatre :


et d'un message à l'attention des adultes :


. Puis un cheval marron :


une bande de clowns devant le siège du parti républicain :


un gorille :


des jeunes filles virevoltantes :


encore ces trois chapeau jaunes ( ?) :


un cheval maussade :


un cheval-cyborg :


une tortue géante :


un donuts d'argent :


Woody et Buzz l'Éclair font un peu la gueule :


et encore un chapeau jaune géant ( ??) :


et un coyote-queer :


et une équipe de basket chacun-son-ballon :


et des adolescentes :


. Au-dessus de nous, deux malins avaient trouvé la meilleur place pour regarder le défilé :


et puis de belles robes tournoyantes ( vous remarquerez les dollars dans la main qui soulève la robe ( je n'ai même pas envie de savoir à quoi correspondent ces dollars )) :


et encore un tequel-LGBTQI :


puis un enfant avec une tête de hot-dog :


et le vélo de mes rêves :


et, par une bataille de bulle générale :

c'en était fini du défilé des enfants. Alors que le jour déclinait, le début du défilé des adultes à été marqué par l'entrée en scène d'une gigantesque Santiag rouge et bleue :


Puis une miss historique est venue nous saluer ( zombie) :

et j'ai remarqué que l'arbre sur lequel j'étais appuyé révélait quelque chose du sentiment d'irréel que peuvent avoir certains Américains :


Puis le Hummer (!?) d'une banque locale est passé :


puis un Char-botte :


puis un Char-Drapeau (-aigle impérial) :

puis un Char-lumière (-train) :

et des Hot-rod ( bruit d'avion):

et c'était la nuit :

et tout le monde est parti aussi sec.

Pour ce dernier soir à Salinas, on a changé d'hôtel et on a pris un motel à 60 doll. avec lumière rouge dans la salle de bains :

interrupteurs amoureux :



et bien sûr, KING SIZE BED. Alors-là, laissez-moi vous dire que ces lits sont les plus grands lits du monde des lits.


La prochaine fois : San Francisco à toute vitesse.