lundi 16 mai 2011

mercredi 5 janvier 2011

La longue marche

La dernière fois : depuis deux jours, on était tanké à Las Vegas.

On a été prendre un petit-déjeuner dans le truc que nous avait conseillé la dame d'Amargosa, au Riviera, en face du Circus Circus, au fond du casino à gauche, derrière un escalator minable qui conduisait uniquement à des toilettes, après les machins pour se faire acqua-masser :

et en face de la roue de la fortune :


C'était comme une gare de bus qui sent l'huile mais avec des petits-déjeuners pour 5$ et, détail important alors qu'on venait d'apercevoir des gens prendre un petit-déjeuner dans un genre de Flunch plongé dans le noir, la lumière du jour :


(je n'ai pris que cette photo du restaurant, sûrement pour cette bouée verte à côté d'une poubelle).

Après avoir mangé trop lourd, on est partis downtown, vers Fremont Street, le Las Vegas plus ou moins originel si j'ai bien compris, chercher un autre hôtel. Un serpent bleu jaillissait du sol :


et on est passés devant le fameux :


Puis on tourné à droite et on s'est retrouvés dans une zone difficile à décrire : des motels pouraves qui semblaient remplis de crackés accompagnaient quelques hôtels-casinos à enseigne flamboyante, les deux machins semblant cohabiter pour le moment, attendant sûrement que l'un finisse par manger l'autre. On a été voir un truc genre The Miami, planté à la frontière de la zone pourave avec sa déco style International-Yamasaki-Miami, qui avait des chambres trop chères et on est repartis vers le Strip. Au pied de la Stratosphère :

on a trouvé une chambre pour 25$ au Fun City, un Joli Motel Rose :


Son miroir :


Son rideau :

Son rideau encadré :


Son lino rebelle :

Sa clim' potentielle mais cassée :


Sa porte fendue :


Son plafond enduit avec les pieds :


où on nous a menti en disant : pas d'insectes. On a posé nos sacs et on a été chez Bonanza, le rois des gadgets et des souvenirs. Sur le chemin, j'ai vu ça sur le sol :


et cette grosse boule :


Puis on est revenus déposer les saloperies de Bonanza dans notre chambre :


et on a été se baigner, dans la piscine qui était vide, à l'exception d'un parasol poussé par le vent :

Ensuite on a été bouffer chinois dans le quartier chinois sur les conseils de l'amie suisse de Bonita, et c'était délicieux. Ensuite, Bonita m'a dit qu'est-ce qu'on fait ? Je lui ai dit : coucher de soleil en bagnole sur le Strip en écoutant Prince. On est revenus vers le strip, avec, au loin, cet espèce de méga After Eight sous le soleil couchant :


Arrivés sur le strip, on a mis Prince à fond la caisse. On a commencé à chanter-hurler en rebondissant sur nos sièges comme des cons. On a croisé des gens se protégeant le visage :

des hummers-limousines :


encore le Encore :

des pubs pour des putes géantes :


le Riviera, qui est, comme tout le reste ici, un amas de meurtres, de prostitutions diverses, de viols et de fraudes fiscales en tous genres :


ce machin :


puis un chantier :


la tour Trump entre deux panneaux de chantier :


le Treasure Island :


le Mirage :


le Harrah's :


le Cæsars Palace :

l'Opéra de Paris :


le Planet Hollywood :


le Bellagio :


le NY-NY :




le Luxor :


et encore la tour Trump :


Puis le soleil s'est couché sur les feux rouges :

et la nuit est tombée sur les panneaux publicitaires d'avocats :


On s'est dirigés vers la Fremont Street expérience. Depuis notre arrivée, on ne peut pas dire que j'étais super joyeux. C'était plutôt Bonita-les-yeux-dilatés, celle qui ne dormait quasiment plus, la meneuse. On a joué un dollar au Golden Nugget pour avoir une bière gratuite. Puis on a vu une piscine de requins :

Quand on est ressortis du Golden, la bière a commencé à faire son effet et j'ai vu une fille dansant quasiment nue sous les néons et c'était comme un cliché de l'enfer devenu réel alors que Break on Through des Doors bastonnait de partout. Puis est arrivé l'Événement. Il s'est passé ce que j'attendais depuis deux jours (je veux dire un truc vraiment excitant, sans être dégoûtant tout de suite après, un genre de plaisir non perverti, quoi). En marchant dans Fremont Street, j'ai vu Prince. Là, je suis comme devenu dingue. Je n'osais même pas aller l'aborder. J'ai dit à B. nan mais putain Prince ! et Bonita m'a dit mais vas-y, va le voir, c'est juste un sosie. Et voilà le résultat :

Moi ça m'a vraiment fait exactement comme si j'avais rencontré Prince, j'étais groupie pareil, alors je lui ai donné un pourboire bien trop gros et j'ai eu droit à une autre photo gratuite, parce que Prince est Cool. Pauvre Prince qui arpente aujourd'hui Fremont Street pour gagner sa vie sa guitare sous le bras, je me suis dit, en le regardant s'éloigner.

Puis l'expérience Fremont Street a commencé et c'était presque exactement comme ça :

Alors... 1. American Pie est une bonne chanson. 2. il est impossible de garder un état émotionel normal face à tous ces clignotements. 3. être au milieu de centaines d'inconnus et regarder ensemble cette espèce de fresque historique (d'un cynisme infini) crée un sentiment de communauté extrêmement fort, en tout cas, c'est ce qui nous est arrivé, avant de finir à 5 heures du matin dans un mac do dont la terrasse était remplie de mecs ivres morts dormant dans leurs frites et après avoir assisté à un dramatique karaoké où un jeune Noir nous a parfaitement chanté ça :


en nous brisant le cœur avec cette constatation terrible d'un ordinaire dont on se sentait complètement partie prenante, mais là, il faudrait encore que je vous raconte comment après le jeune Noir un trio étrange à pris la scène d'assaut, un borgne mexicain accompagné d'une paysanne aux seins énormes et de son petit copain, trio qui nous a chanté une piètre et très embarrassante version d'I CAN'T LIVE IF LIVING IS WITHOUT YOU de Maria Carey ; il faudrait aussi que je vous dise que les types qui ramassent l'argent des machines à sous sont tous sourds-muets (je les ai vus faire, voilà les caisses :


) ; il faudrait que je vous dise que le lendemain, on est partis de là avec l'impression d'être tombés amoureux d'une pute, en sachant exactement que c'est le genre de choses qu'un client ne doit jamais faire, mais en trouvant tout de même que Las Vegas nous en avait donné pour notre argent, voire plus, et puis, finalement il faudrait vraiment que l'on parle du désert de Mohave où un endroit s'appelle ZZYXZ :

et de la tête de Chuck Berry :


et des volants brillants :

et, il faudrait aussi que je vous raconte que j'ai rêvé que j'étais dans un genre d'école où on devait tous se mettre des ressorts de stylo bic dans l'anus, ressorts fins mais très longs comme une queue de marsupillami, et que je finissais par sortir de classe et par enlever mon ressort qui s'avérait ressembler à un savane de Papy Brossard, mais dans ce cas, on devrait aussi parler de toutes ces bagnoles à Los Angeles :


Et puis parler du retour du surf :


et du bordel éternel dans la voiture :


et de comment on a repensé à Stew, en salant notre purée avec le petit flacon d'assaisonnement grec qu'il nous avait donné, regrettant de ne pas l'avoir emmené plus loin, refaisant tout le chemin qui aboutissait à la même impasse, puis parler du drive-in abandonné :


et d'un parasol :


et des coups de soleil :


et de mon sweat à paillettes aujourd'hui disparu (je le recherche) :


du dernier camping :


de l'orgasme Car-Wash avant de rendre sa voiture à Pierce, Frère de B. :


puis du train San Diego/ LA et de la pause d'une heure à Los Angeles pour voir ça :



Et du départ de Los Angeles au soleil couchant :


dans le train LA/Chicago, le South West Chief :


où on mange des pizzas comme ça :


où les robinets sont comme ça :


et les angles comme ça :


,mais avant tout ça, il faudrait vraiment parler du responsable d'un système apparemment très complexe de placement des voyageurs : Gerald, un bel homme noir, grand et fin avec une moustache, qui disait " god, give me strength" en essayant vraiment d'arranger tout le monde, montant et descendant les escaliers sans arrêt, portant avant tout les bagages des vieilles dames et des femmes seules avec enfant, et qui semblait déjà épuisé après une demi-heure de voyage, mais qui garderait toujours une sorte d'élégance qui donnait à ce South West Chief le presque fumet d'un Orient Express, et encore avant ça, il faudrait aussi parler du petit matin comme ça, je ne sais où :

des usines comme ça :

de la terre rouge et des ciels comme ça :


et il faudrait aussi parler de la P.T. (Population du Train) composée de familles, de vieux, de gros ados, de scouts boutonneux, de deux manchots, d'une femme tronc, d'un borgne, du serveur poliomyélite du restaurant, de hippies à dreadlocks géantes, de dessinateurs de cartoons, de quelques obèses, d'un Mexicain louche en habits militaires, d'un type tatoué hot-rod roses et tête de mort sur la poitrine, d'une Mexicaine minuscule, un peu goule, recouverte de chaînes en or, de mamies avec des soucoupes volantes peryoxydées sur la tête, de pantacourt rose, de k-way bleu turquoise, de socquettes et de baskets blanches, d'immenses Mexicains surfoïdo-tunningo-skate Corona dans la poche du short à carreaux noir et blanc, d'une famille dont le père est un géant et qui joue au poker avec des vrais jetons de casino, d'une famille de gros, très gros, Mexicains en short de basketball et tee-shirt extra-large au motif stadio-cosmique qui font une partie de poker avec les scouts, bref il faudrait aussi parler de la pause à Albuquerque, où on a vu des papy-boomers dormant dans des cabines ( nous on dormait sur des sièges) descendre du train pour faire un jogging de 20 min sous 38°C (ces enculés ne voudront jamais mourir) et où, après avoir fumé un joint en douce, Gérald a louché sur les seins de Bonita et puis il faudrait encore parler du ciel :

et encore parler du ciel mais parler aussi des arbres et des poteaux :


vus depuis la cabine d'observation rétro-futuriste :


et puis de l'impression d'habiter un fond d'écran :


où il n'y aurait qu'une voie :


puis de l'orage :



et il faudrait aussi parler des T.T. (travailleurs du train) qui ont tous plus de quarante ans et qui semblent avoir des horaires impossibles, genre 6h/2h00, qui dorment sur des sièges comme nous et qui sembleront de plus en plus souffrir des escaliers du train (les trains amtrak sont étonnamment hauts (double étage) et spacieux) à mesure que le voyage avancera; vraiment parler de James, le collègue de Gérald, son exact inverse, Malaisien à mauvaise peau, un peu la même tête que le commissaire de Deux Flics à Miami, cheveux graissés en arrière, désagréable et foncièrement sadique avec nous autres les fumeurs, profitant toujours de l'absence de Gérald pour abuser de son pouvoir, mais que Gérald, notre héros, méprisera et humiliera ouvertement, notamment en lui demandant d'un ton sec de sortir les poubelles et de passer un genre de ramasse-miettes géant, un aspirateur ineléctrique, dans les couloirs du train; et parler du conducteur qui hurle ses annonces avec enthousiasme dans des très mauvais haut-parleurs, un peu commentateur sportif ( chiiiiiiiiiiiicagooooooo), un peu pilote d'avion ; et le type qui tient la boutique snack du train depuis 35 ans, Tom, qui a fait un discours à 3 h du matin s'adressant à un passager saoul : être grossier et agressif avec le personnel du train est puni par la loi fédérale... être saoul dans un train est puni par la loi fédérale... fumer dans un train est puni par la loi fédérale... la loi fédérale dit qu'enfreindre ces règles peut amener à être remis aux autorités fédérales à la prochaine gare et elle dit aussi qu'ici, c'est moi qui décide quand vous avez assez bu, point final — avant d'ajouter et de répéter deux fois avec une voix d'outre-tombe : Ceci n'est pas une blague, et puis, là, il faudrait absolument raconter comment on s'est bourré la gueule avec ce type, Tim, qui n'a plus jamais arrêté de boire du voyage :


et qui est venu me réveiller deux fois en pleine nuit pour me dire "come on" comme on dit "viens jouer avec moi", et avec qui on a regardé des vidéos de tornades et écouté 8 fois bye bye american pie, que tout le monde dans le train connaissait par cœur, et dont Tom, le gérant du snack, nous a précisé qu'elle était à l'origine de Killing me Softly, avant de nous montrer des vidéo d'Abbot et Costello et que l'aurore aux doigts de rose :



et l'humidité dans le mid-west :

recouvre des pales d'éolienne :

Enfin, il faudrait dire : à Chicago pour 5 heures avant de reprendre le bus vers Montréal, et là, il faudrait dire l'abandon de notre glacière :

et notre expérience la plus radicale de tourisme vertical, (du vertilisme, en quelque sorte) la Sears Tower de 527 mètres de haut , d'où l'on voit des trucs comme ça :


dans un truc comme ça :


avec des gens comme ça :


Puis l'attente de trois heures à la gare de bus de Chicago où on est encore tombés sur des jeunes Chrétiens qui nous ont proposé de prier avec eux en attendant que le bus arrive et puis d'un type, qui au début m'a jeté un regard glacial, scanner de haut en bas, et qui m'a finalement demandé d'où je venais, alors je lui ai dit Paris et lui m'a dit moi — comme dans une chanson de marin — là je vais voir une poulette à Indianapolis, parce que celle de Minneapolis m'a posé un lapin, puis qui m'a dit, en regardant Bonita, ah ouais, elles sont pas mal vos femmes, elle n'a pas une sœur la tienne ? parce que moi, si tu me branches à Paris, je te brancherai à Minneapolis, ouais mec, d'ailleurs y a des frères là-bas, je veux dire, des Noirs ?

Mais bon. Il faudrait aussi raconter comment le bus (qui était en piteux état, la clim cassée gouttait sur certains sièges et une porte qui s'ouvrait toute seule en pleine route, mais bref) a fini par partir, avec, au volant, une dingue hystérique ultra-autoritaire qui s'est arrêtée en plein milieu de la nuit pour appeler les keufs afin de se débarrasser d'un pauvre con édenté, tatoué du joker sur la poitrine, qui l'avait traitée de salope parce qu'elle ne voulait pas le laisser s'allonger sur les sièges libres à côté du conducteur (finalement les keufs n'ont jamais voulu prendre le type en question), puis du changement de bus à Cleveland où un clochard au visage massacré m'a remercié pour Lafayette et demandé si on continuait nos histoires de décapitation, puis du changement de bus à Buffalo, la folie furieuse, l'asile de fou, en descendant du bus où je n'avais pas dormi de la nuit après trois jours de train, à cause de l'autre folle de dictatrice, et où il y a eu une séquence entière de délire américain, parce que, d'abord, en rentrant dans la gare, j'ai aperçu pour la première fois de ma vie des amish :


puis que j'ai continué en me dirigeant vers l'autre côté de la gare où je pouvais fumer une clope et qu'en chemin, j'ai croisé deux jeunes filles mexicaines qui avaient demandé à leur mère de les prendre en photo avec l'Iphone de l'une d'elles et que toutes deux s'enlaçaient et posaient, mais que la mère ne savait pas prendre une photo avec un Iphone, qu'elle avait mis son œil de l'autre côté de l'appareil, c'est-à-dire dans l'objectif, c'est à dire qu'au moment où je l'ai croisé, elle me présentait un œil de 10 centimètres et qu'ensuite, j'ai atteint la zone fumeurs et que je me suis posé contre un poteau, fumant, et que derrière moi l'une des deux lesbiennes, celle tatouée à l'aiguille à tricoter que j'avais déjà repérée dans d'autres pauses-clope en ayant vraiment la sensation de faire partie d'un centre de redressement de jeunes délinquants, m'a demandé si j'avais déjà été aux chutes du Niagara, comme ça, de but en blanc, alors je lui ai dit non, en sentant comme une odeur de brûlé, et toi ? et elle m'a dit non, retournant vers le bus, jetant sa clope par terre et croisant un groupe de handicapés que j'ai suivi des yeux, jusqu'à tomber sur la source de l'odeur de brûlé : un jeune Noir dans une position chevaleresque, tête baissée un genou à terre, faisant face à un petit tas de papiers en feu alors que les handicapés passaient derrière lui pour se planter à l'arrêt de bus, et le vent a soufflé sur le petit tas de papier, le dispersant, envoyant une page voler à mes pieds et je l'ai ramassée et c'était la page 229/230 de la Bible, les Corinthiens 10, 11 / Idol Feast and the Lord's Supper / Propriety in Worship et puis j'ai relevé la tête et j'ai vu que le jeune Noir s'avançait vers moi d'un air très décidé et soucieux pendant que, derrière lui, un autre Noir éteignait le petit feu en mettant des coups de pieds dedans, et je me suis dit bon, et il a continué à venir vers moi, son visage s'est arrêté à 5 centimètres de mon visage et là, il m'a fixé bien droit dans les yeux et il m'a demandé du feu. Je lui ai donné du feu et il est parti en fumant. Je me suis retourné, cherchant un soutien moral, et je n'ai croisé que des yeux froids et blazés et je suis rentré dans le bus. J'ai dit à Bonita ce pays est un pays de cinglés, ils sont tous fous à lier et un type en t-shirt de l'hôpital, au visage complètement brûlé, sac de pansements à la main est monté dans le bus et on est repartis vers Montréal, Bonita a pleuré devant un film de Jackie Chan, et moi je ne me suis jamais habitué à voir une vieille dame noire habillée comme un joueur de basket.